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SAINT TROPEZ : Saint-Tropez mon amour !

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SAINT TROPEZ : Saint-Tropez mon amour !

L’écrivain Sylvie Bourgeois et le réalisateur Philippe Harel s’installent à Saint-Tropez.

Avec Saint-Tropez, c’est une longue histoire d’amour. Ma première fois, j’avais 14 ans. Comme Guy de Maupassant et Paul Signac, j’ai découvert ce vieux village de pêcheurs à bord d’un voilier, celui de mes parents, avec lesquels nous naviguions durant l’été de ports en ports, de criques en criques. Ce Karaté de 10 mètres s’appelait Achille, le prénom de mon grand-père paternel et surnom de mon père, Oh ben, vingt Dieux, l’Achille nous a encore bien fait marrer hier soir, disaient ses copains de virées nocturnes avec leur fort accent bisontin.

Lorsque nous sommes arrivés en fin de journée, le coucher de soleil m’a subjuguée, il était sublime, rien à voir avec ceux que je connaissais, mais au moment de descendre sur le quai du port pour aller prendre l’apéritif chez Sénéquier, un de mes frères aînés, âgé de 19 ans, a décrété que si je voulais devenir un bon marin, je devais rester à bord pour laver les voiles. Était-ce parce que j’étais la seule fille de la famille et la dernière, ce frère a toujours été très autoritaire avec moi, je n’avais pas le droit d’aller danser, ni de boire un verre à Granvelle, la brasserie où tous les jeunes se retrouvaient après les cours, s’il me voyait, il me sortait en me tirant par les cheveux devant tout le monde. Je n’avais pas le droit non plus d’avoir peur à ski lorsqu’il me faisait sauter des bosses ou descendre tout schuss des pistes noires, il me donnait également des coups dans le bras lorsqu’il m’apprenait à conduire et que je ne faisais pas bien les talons-pointes ou les tête-à-queue sur la glace, son leitmototiv était que je ne devais pas être idiote comme les filles.

Ce jour-là, seule sur le pont de l’Achille, à brosser et nettoyer le foc, je m’en foutais de son autorité à la noix, j’étais tombée amoureuse de cette lumière du Sud qui avait déjà envahi mon cœur.

J’y suis revenue à 20 ans. Je fuyais un autre de mes frères avec qui j’avais vécu durant l’année à Cap-d’Ail et qui souffrait de bouffées délirantes. C’était très compliqué. J’avais besoin de solitude. J’ai travaillé pendant le mois d’août sur une plage de Pampelonne, à Ramatuelle, Le Planteur, j’étais logée dans un cabanon sur la plage, le matin, je tombais dans la mer et le soir après le travail, avec Frantz, le plagiste, nous faisions d’interminables nages. Mais mi-août, il a plu, notre patron nous a donné notre journée, j’ai fait du stop pour aller voir ma mère qui me manquait. Je ne suis jamais arrivée à Cap-d’Ail. Un cran d’arrêt sur ma gorge, un mauvais homme, une voiture fermée à clef, l’impossibilité de sortir du véhicule, le poids sur moi, ma culotte déchirée, la pénétration, la douleur, les cris étouffés, ont eu raison de ma féminité et de ma confiance dans la vie, dans les hommes aussi.

J’y suis retournée l’année d’après, en 1984, pour aller travailler pendant deux mois au Club 55 où le propriétaire, Patrice de Colmont, m’avait immédiatement embauchée suite à un rendez-vous avec un autre de mes frères qui lui donnait un coup de main pour convaincre les Maxi (une jauge de grands voiliers de courses qui appartenait à un club très privé de milliardaires, des bateaux sans publicité, ni sponsor) de participer à La Nioulargue, une régate qu’il venait de créer. Plus tard, il m’avouera être tombé amoureux de moi dès qu’il m’a vue. J’ai mis du temps à accepter les baisers de Patrice. Des baisers qui m’ont (un peu) aidée à retrouver ma féminité, ma confiance dans la vie, dans les hommes.

Oui, Saint-Tropez, c’est une longue histoire d’amour, je suis toujours venue et revenue, mais j’en suis aussi toujours partie et repartie, l’attrait de Paris, j’ai fait ça toute ma vie, de venir et de repartir, alors que je sais pertinemment que mon cœur et mon corps sont heureux au bord de cette Méditerranée.

Lorsque j’ai épousé mon mari, pour qu’il aime ce village, j’ai co-écrit avec lui le film, Les Randonneurs à Saint-Tropez. Puis j’ai sorti un roman, Sophie à Saint-Tropez, dont la couverture représente le pointu (petit bateau de pêcheurs en bois) que ma mère avait acheté peu de temps avant sa mort et celle de mon père. Bien plus tard, j’ai appris que ce pointu avait été construit dans les années 60 par Bernard de Colmont, le père de Patrice. C’est amusant toutes ces boucles qui, comme moi, vont et qui viennent, comme des liens ancestraux, des liens d’une autre vie.

Oui, Saint-Tropez et moi, c’est une longue histoire d’amour, de mer, de bateaux, de voiliers, de soleil, de nages, de poissons, mes nouveaux amis, que je vais voir chaque jour lorsqu’à pied je pars nager à la Ponche ou aux Graniers. Quoiqu’il en soit, depuis ce printemps 2023, je suis ravie qu’avec mon mari, nous fassions dorénavant partie des 8300 Tropéziens qui vivent à l’année dans ma belle lumière du Sud.

Sylvie Bourgeois Harel

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