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AIX EN PROVENCE : « Histoire du rugby à Madagascar » préf…

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AIX EN PROVENCE : « Histoire du rugby à Madagascar » préfacé par Franck MESNEL

Profitons de cette année de Coupe du monde de rugby en France pour découvrir le rugby malgache.

Il n’est pas si courant d’associer la culture et le sport. Certes l’histoire des pratiques physiques, des loisirs, des jeux et des sports est assez récente puisqu’elle remonte à la deuxième partie du XXe siècle. Au-delà du poncif sur les sports « miroirs de la société », l’intérêt historique, sociologique et anthropologique du sport devenu un phénomène social total n’est désormais plus à démontrer aujourd’hui. Cette exposition sur le rugby malagasy dans le cadre du projet initié par l’Ambassade de France à Madagascar « Réduire les inégalités Hommes-Femmes par le rugby, vecteur de la promotion du genre et de développement à Madagascar » avec la collaboration du Ministère de la Jeunesse et des Sports malgache et ses différents partenaires, par son ampleur, est une première. Plusieurs expositions nous ont servi de guide dans sa réalisation, notamment celle des Archives nationales d’outre-mer à Aix-en-Provence « L’Empire du sport » et, plus récemment, celle réalisée en 2007 à Bordeaux au Musée d’Aquitaine intitulée « Le rugby c’est un monde » .

Après Antananarivo en 2021, Antsirabe et Tuléar en 2022, l’exposition sur l’histoire du rugby à Madagascar est aux Archives nationales d’outre-mer du 8 septembre au 8 décembre 2023. Le but de cette exposition est de refléter le plus fidèlement possible le rugby malgache de ses origines aux Makis. Mettre en lumière sa longue histoire chargée d’exploits et de drames. Visiteurs ! Allons à la recherche du gasy flair et de ses caractéristiques. En effet, ce sport de combat qui se joue tout autour du monde a ceci de particulier : « il permet l’expression de l’âme » et la culture de chaque nation le pratiquant.

Le parti muséologique pris se veut populaire et simple, mais aussi scientifique, historique et éducatif : donner à voir des documents, des œuvres, ou des artefacts variés et délectables afin de transmettre connaissances et émotions. Leur choix s’est effectué autour de trois axes : l’intérêt historique, scientifique ou artistique, la rareté ou l’aspect inédit des documents exposés, la diversité des sources : archives internationales et publiques (Archives & Bibliothèque nationales de Madagascar, Agence ANTA, Archives nationales d’outre-mer d’Aix-en-Provence, Bibliothèque nationale de France, INA…), œuvres de photographes (Dany Be, Pierrot Men, Nantenaina Rakotondranivo, Franck Sanse…) et de dessinateurs (Doda, Mek, Pov, Claude Serre, Michel Iturria…), pièces issues de collections privées…

Tout au long du parcours de l’exposition, des portraits de lieux (stades), de clubs et de personnes : joueuses, joueurs, entraîneurs, arbitre et une dirigeante, sont présentés au public pour mieux appréhender l’esprit du rugby malagasy ou gasy/malgache. Le rugby c’est « des mondes », voici le rugby gasy !

LES ARCHIVES NATIONALES D’OUTRE-MER

Les Archives nationales d’outre-mer (ANOM), service à compétence nationale, rattaché au service interministériel des Archives de France (ministère de la Culture) implanté à Aix-en[1]Provence depuis 1966, ont pour mission la conservation des archives de l’expansion coloniale française. Héritières de trois siècles d’histoire, elles conservent deux grands ensembles différents : d’une part les archives des ministères en charge du XVIIe au XXe siècle de l’empire colonial français, d’autre part les archives transférées en partie des anciennes colonies et de l’Algérie lors de leur indépendance, à l’exception des protectorats du Maroc et de la Tunisie, du mandat français en Syrie et au Liban. Elles conservent également des archives privées (particuliers, associations, entreprises) relatives à l’outre-mer français, une cartothèque, une iconothèque et une bibliothèque spécialisées.

LE RUGBY MALAGASY

Origines et développement

C’est l’histoire d’une passion pour une baolina lavalava/balle longue ou allongée… qui ne dort pas ! Ici à Madagascar la balle vit partout. Ce fruit de voyages et de transferts culturels, comme un grain de riz, a pris racine sur les Hautes terres. Ici la balle allongée a toutes les formes et toutes les matières : bouteilles plastiques (petit ou grand modèle), briques… tout est ballon ici et tout est terrain, on joue partout, les poteaux sont secondaires ! Ato/ici Madagasikiara/Madagascar : Terre d’ovalie ! D’après Raymond Razafindralambo, qui écrit en 1987, dans Le Rugby Malagasy4 , le premier ouvrage sur l’histoire du rugby malgache : « C’était vers 1905 que les premières rencontres de football-rugby se déroulèrent à Mahamasina (Antananarivo) » entre des militaires français cantonnés à Soanierana, formant une équipe dénommée « Le Bataillon » et des Malgaches, surnommés les « Zanaky ny maraina/les fils du matin », dont l’intérêt pour ce sport de combat collectif fut immédiat. Moins de dix ans après le débarquement des troupes françaises, les Malgaches ont déjà commencé à jouer au rugby.

Ce sport se développe de manière remarquable (éclosion de clubs, spectateurs, presse…). Le premier club malgache, le Stade Olympique de l’Imerina (SOI) est fondé en 1909 et deviendra SOE (Emyrne) en 1911. Jusqu’en 1957, le rugby est le sport favori, roi. Il participe à la naissance des luttes nationalistes. Les Malgaches voient dans sa pratique ou son spectacle, un espace et un moyen permettant l’expression de leurs corps et de leurs sentiments, tant pour les joueurs que les spectateurs, les dirigeants et les journalistes. L’année 1957 représente un sommet pour le rugby malgache : c’est la fameuse tournée de l’équipe « représentative » de Madagascar en France, où se déroulent quatre matchs contre Nice, Toulon, Toulouse et le Racing Club de France (RCF) à Paris. Sur le plan sportif, malheureusement, après les brillantes victoires lors des trois premiers matchs, l’épisode glorieux se termine tragiquement à Paris. Les Malgaches perdent le match, mais déplorent surtout le décès d’un joueur lors de la rencontre : Raphaël Randriambahiny, dit Mbahiny.

Il décède suite à un plaquage sur Arnaud Marquesuzaa qui filait à l’essai. L’émotion est forte et vive. Le cœur lourd, une foule gigantesque se presse pour la veillée funèbre : tout Tananarive et au-delà se rassemble pour ce joueur de la Jeunesse Sportive Tananarivienne d’Ambondrona. Le rugby a accompagné le nationalisme malgache et cette tournée tragique restera un symbole important du sens politique donné à cette pratique sportive. Après l’indépendance, viennent, pour le rugby malgache les années noires (1960-1990) : les pratiquants sont désormais issus presque exclusivement des couches sociales les plus défavorisées, les résultats des rencontres internationales sont décevants, les journalistes s’intéressent moins à la pratique et les politiques utilisent les sportifs (TTS, Tanora Tonga Saina/ Jeunes Conscientisés entre 1975 et 1985). Mais cela n’empêche pas l’éclosion de joueurs de légende et un soutien populaire toujours sans faille.

Makis et renaissance

La renaissance passe alors par la formation, la coopération et la structuration du rugby africain qui se déroule dans les années 1990 et redonne des succès aux joueurs malgaches. En 1999, à Yverdon-les-Bains (Suisse), l’équipe nationale junior de Madagascar est sacrée championne du monde groupe D (4e division) et prend l’appellation de Makis. Vient ensuite une finale de Coupe d’Afrique des nations (groupe A) perdue sous la neige de Gennevilliers en 2005, puis enfin la gloire en 2012 avec le titre de champion d’Afrique de rugby, groupe B. Pour Madagascar la professionnalisation de ce sport dans les années 1990 a creusé encore plus les écarts avec les nations majeures.

Place aux joueuses !

 Au niveau international, la première coupe du monde féminine se déroule en 1991. Comme dans le reste du monde, le rugby féminin se développe dans la difficulté, tant le sport s’est toujours construit sans les femmes. Pourtant le jeu pratiqué est d’une grande qualité et son spectacle offre plus de diversité tactique que le simple affrontement physique permanent adopté par leurs collègues masculins. La pratique féminine apparaît à Madagascar entre 1991 et 1993. Les Makis féminines participent aux premières compétitions internationales : d’abord en 2009 avec un match à La Réunion, puis pour la coupe d’Afrique en rugby à VII dès 2010. Elles ont terminé 3e lors de la dernière édition en Tunisie (2019) et secondes en 2022, se qualifiant pour leur première coupe du monde à VII, où après trois défaites (Australie, Espagne, Chine), elles obtiennent une victoire contre la Colombie. La première participation à la Coupe d’Afrique à XV a eu lieu en 2019. Après des défaites elles réussissent un match nul contre l’Ouganda. En mai 2023, Madagascar organise la coupe d’Afrique à XV.

PARCOURS DE L’EXPOSITION

L’exposition est constituée d’un ensemble d’objets et de documents très différents : des photographies et des dessins de presse, d’art ou d’archives, des documents sonores et audiovisuels (films), des affiches, des tickets de matchs, des livres, des journaux, des lettres, des ballons, des maillots, des trophées (coupes, médailles), des drapeaux et des fanions… Les visiteurs sont accueillis dans la salle d’exposition des Archives nationales d’outre-mer. Le parcours de l’exposition se partage en quatre espaces/thèmes et une entrée, pour introduire le propos général, quelques mots pour définir l’histoire du sport/des sports & des jeux, histoires d’un sport : le rugby, pour un cadrage malgache/malagasy ou gasy, voir et entendre l’histoire de la balle allongée/lavalava.

Des photographies et une chronologie comparée de l’histoire des sports et du rugby à Madagascar et dans le monde permettront au visiteur de mieux situer la période et l’évolution de sa pratique dans le temps. Le premier espace (XIXe siècle – 1957) s’ouvre en montrant lesjeux et les activités corporelles avant la colonisation. Le contexte de l’activité corporelle/physique ancestrale et traditionnelle à Madagascar à travers des photographies, des livres : danses, jeux (fanorona), les sports de combat (lutte et boxe) différents selon les régions : daka pour les Merina, moraingy pour les Sakalaves, savika pour les Betsileo, ambia (boxe) et ringa (lutte) dans le Sud-est et doranga ou toranga dans le Sud-Ouest, mais aussi le savika entre course de taureaux et rodéo.

Puis, à travers l’introduction du rugby, on voit apparaître les autres sports qui sont promus par le Gouvernement général de Madagascar et/ou pratiqués parfois par certains colons : tennis, vélocipédie, skating (patins à roulettes), tir, gymnastique, équitation… Nous insistons sur le rôle majeur du Stade olympique de l’Imerina à partir de 1909 pour la diffusion de la pratique du rugby et sur son rôle comme instrument dans la lutte qui a accompagné le nationalisme et l’identité malagasy pendant toute la période coloniale, ainsi que lors des premières rencontres internationales (1947-1957). Cette dernière année est celle de la fameuse tournée de l’équipe représentative de Madagascar, la glorieuse tournée qui va se terminer tragiquement et qui va demeurer un symbole important du sens politique donné à cette pratique sportive. L’espace 2, concerne la période allant de l’indépendance aux Makis (1960-2019).

Le début de cette séquence est illustré notamment par les photographies de Daniel Rakotoseheno alias Dany Be, pour les années « noires » de 1970 et par la presse malagasy et des portraits de joueurs et de club. Ensuite, nous dévoilonsla naissance des Makis et de leur hiaka en 1999, leur sacre à Yverdon-les-Bains (Suisse) comme champion du monde junior groupe D, puis leur victoire comme champion d’Afrique de rugby XV, groupe B, en 2012 à Mahamasina, jusqu’à la Coupe d’Afrique 2020.Nous redécouvrons aussi les lieux du rugby à Antananarivo : Mahamasina le berceau des sports à Madagascar, le Stade Malacam des cheminots d’Antanimena et le Stade Makis d’Andohatapenaka (15 000 places), inauguré le 15/12/2012 par Andry Rajoelina alors président de la Transition.

Dans l’espace 3, le visiteur rencontre lesfemmes d’ovalie à Madagascar, du début des années 1990, avec la pionnière Élise Raharimalala qui organise les premières rencontres, jusqu’aux tournois internationaux et africains à VII à partir de 2008 à La Réunion, puis à XV en 2019. D’autres figures sont présentées : la doyenne des Makis, Tikasoa Raolinirina alias Nirina et ses deux filles, toutes trois internationales, ainsi que Tantely la plus capée, également capitaine des équipes nationales à VII et XV, ainsi que l’arbitre internationale Fara Ny-aina Sarah Razafimamonjy. Un hommage est aussi rendu aux basketteuses championnes d’Afrique en 1970, pour le cinquantenaire de leur titre. Enfin, le dernier espace permet de voir les exploits des rugbymen malgaches et de les entendre chanter, grâce au film de l’exposition « Lalan’ny Rugby Gasy » (Le chemin du rugby malgache), réalisé par Hadrien Bels, en 2021 ; un montage de photographies, de films, de résumés des matchs Makis en 1957, 1971, 2005, 2012, 2019 et des féminines en 2019.

INFORMATIONS PRATIQUES

Archives nationales d’outre-mer

29, chemin de Testas

13090 AIX-EN-PROVENCE

Entrée gratuite

Les Archives nationales d’outre-mer sont ouvertes au public du lundi au

vendredi de 9h à 17h (sauf le premier lundi de chaque mois).

Bus ligne Aixpress, arrêt Schumann (5 min. de la Rotonde).