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PARIS : Un an après le séisme au Maroc, état des lieux de…

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PARIS : Un an après le séisme au Maroc, état des lieux de la reconstruction

Interview de Patrick Coulombel – Co-fondateur des Architectes de l’Urgence.

1 – Quelle est la situation des zones sinistrées au Maroc depuis le séisme ?

Depuis le séisme de l’an dernier, un élan de solidarité impressionnant s’est manifesté, tant pour l’aide d’urgence que pour l’approvisionnement en nourriture et en biens de première nécessité, lesquels ont été fournis tout au long de l’hiver, et continuent de l’être dans certaines zones difficiles d’accès. Il n’y a plus personne sans abri dehors, les autorités ayant pris en charge l’ensemble des secteurs touchés en apportant des solutions de relogement, notamment par des bungalows de type chantier, des abris temporaires, ou encore des tentes.

Une partie de la reconstruction des habitations est en cours. Selon les secteurs, les travaux avancent à des rythmes variés. Les zones sinistrées se transforment en vastes chantiers où de nouvelles constructions émergent, côte à côte avec les ruines des bâtiments qui n’ont pas encore été traitées.

2 – La reconstruction a-t-elle effectivement débutée et tous les secteurs touchés sont ils tous dans la même situation ?

Malheureusement, la reconstruction n’a pas commencé partout au même rythme. En effet, en fonction des infrastructures de transport, et donc des routes, certains secteurs sont encore très difficiles d’accès. Cette difficulté d’accès complique non seulement l’approvisionnement en matériaux de construction, mais aussi les déplacements des populations et des ouvriers qui doivent simplement se rendre sur les chantiers.

Les secteurs les plus en retard dans la reconstruction sont principalement ceux qui sont les plus éloignés, où les autorités ont fait le choix de privilégier une architecture vernaculaire, similaire à celle qui préexistait. Bien que ce choix soit compréhensible, il ralentit inévitablement les travaux, car il est techniquement plus complexe à réaliser, et peu d’entreprises disposent des compétences nécessaires pour effectuer ce type de travail à grande échelle.

3 – Quelles sont les chantiers en cours actuellement ?

Sur le terrain, nous constatons qu’au cours des six derniers mois, de nombreuses constructions ont commencé, notamment des maisons individuelles, et des programmes de reconstruction sont en cours dans de nombreux villages.

La particularité de ces constructions réside dans l’utilisation d’ossatures poteaux-poutres, avec des fondations adaptées et des structures porteuses tout à fait capables de résister à un futur séisme. Un grand nombre de ces constructions devraient être terminées avant l’hiver, d’ici novembre, ce qui facilitera la stabilisation des populations dans des logements plus solides, en remplacement des habitats précaires.

En ce qui concerne les infrastructures scolaires, l’hiver dernier, de nombreux bâtiments préfabriqués étaient soit en cours d’acheminement, soit complètement installés, afin de garantir la continuité de l’école dans les villages, même les plus reculés. À ce jour, il existe encore peu d’exemples où la reconstruction d’écoles a réellement débuté.

Quant aux bâtiments en béton initialement construits, qui ont souffert du séisme mais sont toujours debout et réparable, ils sont pour la plupart en attente de démolition ou de renforcement parasismique. À ce jour, très peu de constructions de ce type sont en cours de reconstruction.

4 – La fondation a-t-elle l’habitude de ce type d’intervention et quelles sont les particularités de ce séisme au Maroc ?

La première particularité du séisme au Maroc est que, bien que la zone sismique ait été identifiée, elle n’était pas considérée comme une zone à forte vulnérabilité sismique. Cela a provoqué de nombreuses destructions, car les constructions n’étaient pas conçues selon des normes parasismiques, notamment les structures en béton poteaux-poutres, dont beaucoup ont été gravement endommagées.

Parallèlement, le Maroc dispose d’un habitat en terre et en pierre de grande qualité, parfois ancien, qui a souvent mal résisté au séisme. Il est donc impératif de trouver des solutions techniques de renforcement parasismique pour ce type de construction, afin de préserver cet habitat dans son état d’origine. Une réglementation parasismique a été mise en place, tout à fait applicable, mais nécessitant probablement des ajustements ou des améliorations en fonction des avancées scientifiques actuelles. La véritable difficulté réside dans la préservation de ce type d’habitat dans les secteurs touchés, tout en valorisant l’architecture locale, dans la mesure du possible.

Les autorités ont bien compris l’importance de cet enjeu architectural, tant pour la culture marocaine et les populations locales que pour l’attrait touristique de ces régions, qui sont particulièrement pittoresques.

La deuxième particularité de la gestion de cette crise sismique a été la réactivité des autorités, qui ont très rapidement pris l’initiative d’attribuer des financements pour la reconstruction des habitations, sans laisser les populations sans aide, tant sur le plan alimentaire que pour le relogement. Ce choix, opéré dès septembre 2023, permet d’envisager une reconstruction dans des délais acceptables, évitant ainsi qu’elle ne s’étende sur 5 à 10 ans.

5 – Les autorités marocaines sont-elles à la hauteur des enjeux de la reconstruction ?

La réponse humanitaire en matière d’aide temporaire pour le logement est tout à fait adaptée. Il en va de même pour la reconstruction, où la stratégie évoquée par le roi du Maroc est bien pensée et répond véritablement aux besoins des secteurs touchés.

Et l’apport de l’aide internationale aurait elle pu accélérer le processus de relèvement ?

Le séisme, qui a fait de nombreuses victimes, est un événement majeur à l’échelle du pays. Lors du séisme d’Al Hoceïma en 2004, de nombreuses organisations internationales avaient exprimé le souhait d’intervenir pour fournir de l’aide d’urgence, mais cela avait été refusé par les autorités. Il en va de même pour ce séisme dans l’Atlas, où l’aide internationale, tant matérielle que technique, aurait probablement pu accélérer certains aspects, mais aurait aussi risqué d’encombrer les opérations de secours plus qu’elle ne les aurait aidées. La capacité des autorités marocaines et des services de secours a été à la hauteur des événements, et même en matière de reconstruction, il serait inapproprié de vouloir donner des leçons.

Je tiens à rappeler que la majorité des agences humanitaires apportant de l’aide internationale se concentrent généralement sur des opérations de relogement d’urgence, dans des abris temporaires qui ne sont pas durables. La réponse apportée par les autorités locales étant largement suffisante, il n’y avait donc pas de réelle nécessité d’avoir des acteurs étrangers pour ce type d’intervention.

Le seul regret est de ne pas pouvoir financer plus facilement des opérations de reconstruction en partenariat avec les structures locales, et surtout de mobiliser des fonds qui permettraient de construire de manière pérenne, avec des matériaux locaux et en impliquant les populations locales.

6 – Quel rôle/place ont les professionnels locaux, Architectes, ingénieurs, entreprises et bureaux d’études ?

Des architectes sont impliqués dans le processus de reconstruction, car les autorités ont souhaité que la construction des maisons individuelles soit réalisée sous la supervision d’architectes, avec l’appui de bureaux d’études marocains.

De plus, la construction est assurée soit par des artisans locaux, soit par des entreprises qui, parfois, viennent de relativement loin, étant donné la quantité importante de travail dans la région et la difficulté à trouver du personnel qualifié pour la reconstruction. D’une manière générale, le processus de reconstruction est entièrement pris en charge par des professionnels locaux.

7 – Que pensez-vous des systèmes constructifs retenus par les autorités pour la reconstruction ?

Le Maroc a décidé de mettre en œuvre deux techniques différentes pour la reconstruction des habitations touchées par le séisme : l’une basée sur la construction traditionnelle en terre et en pierre, et l’autre, plus contemporaine, sur une structure poteaux-poutres, que l’on retrouve fréquemment dans l’ensemble du bassin méditerranéen.

Le fait de se trouver en zone sismique complique la mise en œuvre des constructions en terre et en pierre, car rendre ces bâtiments parasismiques impose des contraintes importantes et nécessite des renforts spécifiques avec d’autres matériaux. C’est pourquoi peu de constructions en terre et en pierre sont actuellement en cours.

Les constructions en béton armé avec un système poteaux-poutres, qui sont des techniques bien connues et maîtrisées par les entreprises locales, sont mises en place plus facilement. Toutefois, des renforts parasismiques sont également nécessaires, et il est indispensable de former spécifiquement les entreprises à ces techniques, ce qui est en cours.

Les deux principes retenus sont cohérents avec le contexte local. L’objectif est de recréer un habitat traditionnel avec des techniques locales, renforcées par des mesures parasismiques. Dans d’autres secteurs, moins intéressants sur le plan patrimonial, le choix a été fait de reconstruire avec des structures poteaux-poutres, un type de construction couramment utilisé dans les zones touchées par le séisme.

8 – Sur la base de votre expérience de ce type de catastrophe, combien de temps va encore durer la reconstruction au Maroc ?

Deux ans après le séisme une grande partie des constructions seront soit réalisé soit en cours de réalisation.

Par expérience nous savons que 5 ans après un séisme, il est généralement difficile de voir que la zone a été impactée par un séisme important, notamment dans le cas du Maroc ou les autorités et les populations ont pris la pleine mesure de la problématique liée à la reconstruction, cette reconstruction est en cours il faut compter entre 2 à 3 ans pour que la majorité des constructions soit terminé.

Tout cela n’empêchera pas d’avoir des cas particuliers qui resteront des stigmates pendant plusieurs années encore.