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PARIS : OCTO AM – Les entreprises adressent le suje…

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PARIS : OCTO AM – Les entreprises adressent le sujet des taux élevés, l’exemple d’Altice et d’Unibail

Par Matthieu Bailly, directeur général délégué et gérant obligataire.

C’est encore la hausse des taux longs qui animait cette semaine de rentrée et tous les acteurs du monde économique et financier semblent désormais se plier au fait qu’il faudra bel et bien s’habituer à ces taux de financement significativement plus élevés pour un certain temps. Qu’il s’agisse des entreprises, des investisseurs, des agences de notation, des analystes, tous ont dû réviser leurs objectifs et leur modus operandi.

Après avoir abordé le point de vue banques centrales et investisseurs la semaine passée, nous nous intéresserons cette semaine aux entreprises au sein desquelles nous notons, dans les stratégies et politiques financières, un tournant significatif. Nous noterons en particulier l’exemple d’Altice, qui après des années de financement à bon compte, de croissance à marche forcée et d’endettement massif largement toléré par les marchés, semble avoir bifurqué vers une politique plus raisonnable. Bien sûr, l’épisode de la découverte d’une fraude orchestrée par Monsieur Armando Pereira peut être considéré comme déclencheur de la prise de conscience des marchés et de Monsieur Draghi sur la nécessité de réduire la voilure et de retrouver la faveur des marchés.

C’est en effet à partir de ce moment que pléthore d’articles parurent sur l’endettement de l’entreprise, sa croissance, sa difficulté à dégager suffisamment de cash-flows sur certains métiers… Mais les investisseurs, eux, avaient en réalité déjà apprécié ce risque depuis bien longtemps comme en témoigne le prix des obligations Altice et SFR, qui avaient chuté bien avant la découverte de cette affaire. (cf graphe ci-dessous) Et, si elle a pu être accélérée pour rétablir plus rapidement l’image du groupe, il est évident que la vente des data centers à Morgan Stanley, réalisée cette semaine pour un montant de 1 milliard d’euros a été préparé depuis plusieurs mois.

Cette cession doit être appréciée à deux points de vue : premièrement la prise de conscience du groupe, comme celle de Teva ou Valeant en leur temps, et deuxièmement la capacité du groupe à vendre ses actifs au prix auquel elle les valorisait et à des montants comparables à la dette contractée en face ; ce dernier facteur étant capital pour les investisseurs pour s’assurer de la viabilité d’un groupe. Ce fut le cas dans cette opération et l’annonce, quelques jours plus tard d’une possible vente partielle de SFR a continué de conforter les marchés, comme en témoigne le léger rebond des obligations ces derniers jours.

Parmi les autres exemples cette semaine, nous noterons celui d’Unibail qui a également pris en main son endettement, ne pouvant supporter trop longtemps les taux élevés qui compressent son compte de résultat, et qui a cédé pour 199 millions de dollars un centre commercial en Californie, avec une décote de moins de 3% par rapport à la dernière évaluation de fin 2022 et pour un prix légèrement supérieur au montant de la dette de 195 millions de dollars. Quand on voit le marasme dans lequel se trouve aujourd’hui une grande partie du marché immobilier, que ce soit en Europe ou aux USA, cette opération peut ainsi rassurer sur la qualité des actifs du groupe, sur la prudence de ses évaluations, et sur sa latitude à gérer son parc immobilier et son endettement.

Outre leur caractère idiosyncrasique, ces deux exemples revêtent des points de comparaison importants qui pourront être utilisés dans une analyse crédit future.

La taille et la diversification géographique et opérationnelle : dans un contexte de tension, il sera toujours plus facile pour une entreprise aux actifs multiples et logés partout dans le monde de trouver quelques actifs vendables à des prix intéressants pour elle. A l’inverse une entreprise régionale ou ne possédant que quelques actifs très importants dans son bilan n’aura pas ce choix et se retrouvera très rapidement prise à la gorge, comme ce fut le cas de quelques foncières européennes de petite taille ces derniers temps.
Les sources de financement : de même une entreprise ayant géré son financement comme ses actifs, en les diversifiant, pourra 1/ avoir plus de temps, 2/ optimiser les coûts, clé d’un désendettement réussi et d’un retour à meilleure fortune du bilan, de la notation de crédit et donc, in fine, du coût de financement. Nous avions parlé dans un hebdo récent du cas Faurecia, qui était parvenu à boucler un financement auprès d’un pool bancaire d’Amérique Latine à moins de 7% équivalent Euros tandis que les investisseurs européens lui demandaient a minima 11%… Faut il encore avoir les relations bancaires dans la zone en question, ce qui est bel et bien réservé aux entreprises multinationales plus qu’aux PME/ETI…

L’habileté et la fiabilité du management : critère qualitatif qui se rapproche fortement du pilier Gouvernance d’une note ESG, l’habileté et la fiabilité du management d’une entreprise s’apprécient surtout à l’aune du temps et c’est ici que l’expérience d’un analyste ou d’un gérant aura toute son utilité. Attention aussi car un management habile ne sera pas forcément fiable pour un investisseur obligataire et nous rappellerons ici le cas de la sphère Casino/Rallye… A l’inverse, certaines équipes comme celle de Loxam, Picard, Ardagh, ont démontré une gestion habile et fiable de leur endettement dans le temps, ce qui est propre à rassurer un investisseur obligataire dans ces périodes de restriction du financement.

Au sein du secteur bancaire aussi, c’est presque le pilier qui pourra faire une différence majeure d’analyse, tant les banques ont des contraintes de taille et des sources de financement par définition larges et diversifiées, pour la plupart… Ainsi, on a vu cette semaine Santander ne pas caller une de ses obligations cocos, ce qui était largement prévisible pour un analyste connaissant bien l’établissement puisque leur gestion est, depuis longtemps, très habile mais très peu « bondholder friendly » comme diraient nos confrères anglo-saxons. D’autres banques, en particulier les françaises et/ou les mutualistes auront souvent des gestions de leur endettement plus consensuelles vis-à-vis de leurs porteurs.

Deux de ces trois critères adressent ainsi finalement la taille de l’entreprise et nous considérons aujourd’hui que la taille est un atout majeur face au contexte économique et financier. La taille a permis aux grandes marques de transférer l’inflation dans leurs prix, elle offre un pouvoir de négociation face à ses contreparties, elle offre une diversité de sources de financement ou de cessions d’actifs. A l’inverse, le contexte est actuellement plutôt défavorable aux petites entreprises comme en témoigne les chiffres de faillites et de défauts récents, largement concentrés sur ce segment. Pour les mois à venir, un investisseur pourra donc plutôt privilégier des fonds obligataires à des fonds de dette privée, généralement concentrés sur des entreprises de plus petite taille, qui devraient connaître, après leur âge de la fin de la décennie 2010, une période plus difficile, entre rémunérations encore faibles, défaillances, restructurations et illiquidité.