PARIS : Asterès analyse les causes et les conséquences de…
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PARIS : Asterès analyse les causes et les conséquences de la baisse du rouble
Le rouble est tombé au niveau de 1 dollar pour 100 roubles, une dépréciation qui s’explique par une diminution des recettes énergétiques et par une fuite des capitaux.
Le rouble se déprécie régulièrement depuis plus d’un an, une tendance qui s’est accélérée depuis le printemps 2023. Cette sitution place les autorités russes face à un dilemme entre la lutte contre l’inflation et le soutient à l’investissement et aux finances publiques.
Dépréciation du rouble : un seuil symbolique a été franchi
Le rouble a été en baisse régulière depuis un an et a atteint le seuil symbolique de 1$ = 100 roubles. Le rouble s’est brutalement déprécié en mars 2022 suite au déclenchement de la guerre en Ukraine, avant de se redresser fortement sous le double effet d’une politique de soutien du change (frein aux sorties de capitaux, hausse des taux d’intérêt pour inciter aux achats de rouble par exemple) et de l’envolée du prix des matières premières. Depuis la mi-2022 en revanche, le rouble connaît une dépréciation régulière : depuis un an il a perdu 40 % face au dollar, et 24 % depuis février 2022 (avant le déclenchement de la guerre).
Prix des matières premières, fuite des capitaux : plusieurs explications à la baisse du rouble
Plusieurs facteurs ont pesé sur le rouble. Premièrement, le prix des matières premières a structurellement baissé (malgré un rebond en août sur le pétrole), d’autant plus que le prix du pétrole russe (oural) est inférieur au prix mondial (brent) du fait des sanctions occidentales. Le prix et les quantités exactes d’hydrocarbures russes vendus sont cependant difficiles à connaître précisément puisqu’une flotte de « bateaux fantômes » semble transporter du pétrole russe pour contourner les sanctions occidentales. Deuxièmement, les importations russes se maintiennent à un niveau comparable à celui observé avant le déclenchement de la guerre, car le pays parvient à contourner les sanctions occidentales via des pays d’Asie centrale, la Turquie ou la Chine. Ces importations accroissent la demande de devises étrangères, ce qui pousse le rouble à la baisse. Troisièmement, la Russie fait face à une fuite des capitaux qui a plusieurs causes : les sanctions économiques conduisent les entreprises occidentales présentes en Russie à quitter le pays (quand elles le peuvent) et les Russes sont incités à placer leurs capitaux à l’étranger, que ce soit en prévision d’une future baisse du rouble ou d’un renforcement du contrôle des sorties de capitaux qui semble envisagé par les autorités russes.
Dépréciation du rouble : des problèmes enchevêtrés
La baisse du rouble a trois impacts liés : sur l’inflation, l’investissement et les finances publiques. L’inflation russe, après avoir atteint près de 20 % en glissement annuel début 2022, a fortement baissé pour s’établir à 2,5 % en mai 2023 (aidée en cela par l’appréciation momentanée du rouble l’an dernier et par un effet de base favorable), puis a rebondi à 5 % en septembre3 . L’inflation est directement influencée par le taux de change, puisqu’une dépréciation renchérit mécaniquement le prix des produits importés. Pour soutenir sa monnaie et limiter l’inflation, la banque centrale russe a augmenté ses taux d’intérêt, qui sont passés de 7,5 % en juillet 2023 à 13 % actuellement4 (des taux plus élevés incitent les épargnants à conserver leur épargne en Russie, puisque celle-ci est mieux rémunérée). Cependant, la hausse des taux pénalise l’activité économique (l’investissement est plus cher) et accroît les taux payés par l’Etat pour financer son déficit public, rendant plus difficile le financement de la guerre. Le gouvernement russe pourrait donc devoir arbitrer entre la défense de sa monnaie et la lutte contre l’inflation (hausse des taux) ou le soutien à l’investissement et aux finances publiques (maintien de taux bas). Ce dilemme, commun aux pays faisant face à une dépréciation de leur monnaie, n’offre pas de solution simple et contraint le gouvernement à arbitrer entre plusieurs contraintes.