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SAINT TROPEZ : « Et si nous parlions de la posidonie », par Sylvie Bourgeois Harel
Sylvie Bourgeois Harel aime la Méditerranée.
Elle explique : Chaque jour, j’ai besoin de la voir, de la toucher, de l’admirer, de m’y baigner, été comme hiver. Et chaque jour, lorsque je me promène sur la plage de Pampelonne, à Ramatuelle, ou à Saint-Tropez où j’habite dorénavant, lorsque je vois des personnes râler après les algues échouées sur le rivage, je prends plaisir à leur expliquer, avec un grand sourire, que ce ne sont pas des algues, mais des feuilles mortes d’herbier de posidonie. Que la posidonie est une plante aquatique qui forme sous la mer des grandes prairies d’un vert éclatant. Qu’elle pousse jusqu’à environ 40 mètres de profondeur, jusqu’à ce que le soleil transperce la mer afin qu’elle puisse profiter de ses rayons lumineux pour effectuer sa photosynthèse qui permet d’oxygéner l’eau. Que son système racinaire dense et profond joue un rôle majeur dans la stabilité des fonds sous-marins, en empêchant le sable de partir au large. Qu’elle fleurit tous les quatre à six ans, offrant de toutes petites fleurs qui produisent un fruit ressemblant à une olive. Qu’elle est un habitat, une nurserie et un lieu de ponte pour au moins 25% des poissons, coquillages, crustacés, et aussi un lieu de protection pour les nouveaux-nés qui peuvent s’y cacher, afin d’échapper aux prédateurs. Qu’elle grandit d’un centimètre par an. Qu’elle peut vivre plusieurs milliers d’années. Qu’elle est présente dans la mer depuis environ 100 millions d’années. Et surtout qu’elle est le poumon de la Méditerranée et qu’elle capte le carbone encore mieux que les récifs coralliens et les forêts amazoniennes.
J’explique aussi que, sur la plage, ces feuilles mortes d’herbier de posidonie qui forment des grandes banquettes, luttent contre l’érosion en retenant le sable et en l’empêchant ainsi de retourner à la mer. L’idéal serait de ne jamais créer d’impact avec le sable, ni constructions, ni camions de nettoyage, ni restaurants, juste des amoureux de la mer qui s‘allongent sur leur serviette avec leur parasol et leur pique-nique. D’où l’intérêt de laisser ces grandes banquettes sur la plage et de ne pas les retirer, comme le font certaines mairies, pour plaire aux touristes. Á Saint-Tropez, où je me baigne en partant à pied de chez moi, je suis très contente que la mairie les laisse.
Puis je continue en disant que la posidonie est actuellement en grand danger, surtout dans notre région tournée excessivement vers le tourisme. Dans nos jolies baies, sa présence aurait diminué de 10 % depuis 100 ans, et de 30% ces cinq dernières années, selon le WWF.
Les destructeurs de la posidonie sont la pollution, les eaux usées, les engrais, les produits chimiques, le pétrole, le plastique, les détergents, que l’on retrouve en trop grande quantité dans la Méditerranée, les yachts de plaisance, les paquebots, et aussi les infrastructures industrielles construites près des ports dans les villes importantes, les digues, les plages artificielles, qui empêchent le transfert latéral des sédiments nécessaires à sa reproduction.
Aujourd’hui, par un arrêté fixant le cadre général du mouillage dans les eaux intérieures et territoriales françaises de la Méditerranée, des fortes amendes sont données aux yachts qui mouillent leur ancre au milieu des posidonies qui sont devenues, en 1988, une espèce protégée, relevant de l’habitat dit d’intérêt communautaire. En effet, ces yachts arrachent les posidonies et leurs racines en remontent leur ancre. Des sites d’information et de sensibilisation sont d’ailleurs mis en ligne expliquant l’importance de la posidonie, avec également des cartes montrant les emplacements prévus des mouillages réglementaires.
Face à la forte inquiétude devant l’ampleur des prairies de posidonie détruites par les centaines de yachts qui viennent mouiller durant l’été au large de certaines plages très fréquentées du Golfe de Saint-Tropez, notamment à Ramatuelle, 200 bouées d’amarrage devraient être installées en 2025.
C’est formidable que des mesures commencent à être prises pour protéger la posidonie, mais est-ce suffisant ? Ne vaudrait-il pas mieux être plus drastique et classer les eaux du Golfe de Saint-Tropez en réserve naturelle ? Nous avons la chance d’habiter un paradis. C’est rare les paradis. Surtout aujourd’hui. N’est-il pas temps de préserver notre paradis ? Et que seuls les voiliers, les barques, les paddles, puissent se promener sur l’eau, ne détruisant ni les posidonies, ni les poissons, ni les nageurs. Je pense encore à mon amie Isabelle tuée par un bateau à moteur l’été dernier près du Cap Lardier alors qu’elle nageait autour de son yacht. Tous ces excès mis au service du tourisme et de l’argent ne sont-ils pas une effrayante maladie qui détruit tout sur son passage ? N’est-il pas temps de penser à la guérison ? N’est-il pas temps de respecter notre paradis qui nous a été offert. Et de dire merci. Merci à notre chance. Merci pour notre paradis.
En effet, dans tous les textes administratifs que je lis, le but est de concilier développement et préservation des espaces naturels. Mais ces deux mots développement et préservation ne sont-ils pas un oxymore ?
Sylvie Bourgeois Harel.
Sur ce lien, vous pouvez regarder le restaurateur ramatuellois Patrice de Colmont, du Club 55, expliquer l’importance de la posidonie sur ma chaine YouTube Marcelline l’aubergine, dont il est le partenaire historique : https://youtu.be/0hzLvfPpiEQ?feature=shared