
SAINT DENIS : ‘Enfantillages’ d’Antonin Louchard au Centre Tignous d’art contemporain
En partenariat avec les éditions Albin Michel et le Salon du Livre et de la Presse Jeunesse en Seine-Saint-Denis.
Exposition monographique Saison culturelle Transmission > Du 17 novembre 2023 au 6 janvier 2024 > Vernissage : jeudi 30 novembre à 18h30
Après une trentaine d’années à concevoir des livres illustrés, Antonin Louchard expose enfin sa peinture. Car il peint, depuis toujours, mais cette partie de son travail n’a jamais été montrée, ni publiée. Cette exposition, riche d’une sélection de 250 pièces, se compose d’une trentaine de peintures sur papier de format modeste, et d’une cinquantaine de peintures sur toile d’un format plus généreux. Elle accompagne la sortie du livre Enfantillages aux éditions Albin Michel, un beau livre qui inventorie la plupart des pièces exposées ici. C’est en arpentant les vide-greniers que l’artiste commence à accumuler toutes sortes d’objets et de figurines, petits soldats, pouëts, poupées… Il se met à les reproduire sur papier, un peu machinalement, dans l’unique but de quitter sa tablette graphique, outil privilégié de l’illustrateur, afin de renouer avec la peinture.
Cette pratique, dilettante au début, devient une occupation quotidienne et à plein temps quand il décide de changer de support et de passer du papier à la toile. Les figurines qu’il reproduit, décontextualisées et agrandies, nous étonnent et nous bouleversent. Cassées, fatiguées par le passage du temps, elles signent, par leur usure, la vanité de notre humaine condition. Un sort d’autant plus pathétique que ces petits objets sont souvent fabriqués dans une matière plastique périssable, dégoûtante, odieusement polluante. Elles ont un autre point commun : objets transitionnels, elles ont toutes été désirées et aimées par un enfant.
Chargées d’un fort pouvoir évocateur, elles deviennent des fétiches habités par l’âme de ceux qui les ont possédés autrefois. Elles nous renvoient aussi à notre propre enfance, passée au filtre d’une mémoire sélective, parfois trompeuse, souvent baroque. Sensibles, drôles, nostalgiques, dérangeantes parfois, les images de l’exposition Enfantillages nous fascinent. Nous sourions du jeu d’échelle produit par la reproduction en gros plan d’une minuscule figurine, nous nous émouvons d’un poupon abîmé par le temps, nous nous extasions des motifs récurrents dans cet ensemble hétéroclite. Pour les petites peintures, l’artiste a choisi une taille résolument identique. Le gabarit et la répétition de ces petits formats, associés à la légèreté du support – le papier – pourraient suggérer les feuilles d’un livre ; un livre dont les pages, arrachées et disséminées par un coup de vent, auraient été retrouvées et hâtivement juxtaposées sur les murs par un commissaire d’exposition trop pressé.
Un livre au foliotage évanoui, mais dont la juxtaposition des pages sur les cimaises offre une infinité de possibilités visuelles et narratives. Les peintures sur toile, elles, plus grandes, sont souvent associées en diptyques, suggérant à nouveau le livre par la juxtaposition de pages recto/verso. Mais ne nous y trompons pas : alors que l’usage veut qu’une exposition soit accompagnée d’un catalogue, ici le rapport est renversé : l’exposition est au service du livre et non l’inverse.