PARIS : La pensée de James BURNHAM
James Burnham a introduit son concept le plus célèbre, la Révolution Managériale, dans son livre du même nom en 1941.
Il postulait que le monde assistait à une transition d’une société capitaliste vers une société « managériale », où le pouvoir serait détenu par ceux qui contrôlent les moyens de production plutôt que par ceux qui les possèdent.
James Burnham (1905-1987) est un théoricien politique et philosophe américain dont les idées ont continué à influencer le discours politique jusqu’au XXIe siècle. Burnham a connu un regain de popularité grâce au penseur néoréactionnaire américain Curtis Yarvin et au penseur paléoconservateur américain Samuel Francis, dont l’opus magnum Le Léviathan et ses Ennemis, fortement influencé par la pensée de Burnham, a été publié à titre posthume en 2016. L’analyse de Burnham sur les structures de pouvoir et l’organisation sociétale offre des perspectives intéressantes afin de relever les défis contemporains.
La Révolution Managériale et la Technocratie
James Burnham a introduit son concept le plus célèbre, la Révolution Managériale, dans son livre du même nom en 1941. Il postulait que le monde assistait à une transition d’une société capitaliste vers une société « managériale », où le pouvoir serait détenu par ceux qui contrôlent les moyens de production plutôt que par ceux qui les possèdent. Ce concept trouve des échos dans nos controverses contemporaines autour de la technocratie, du pouvoir des entreprises technologiques et des médias d’entreprise du XXIe siècle.
L’essor des géants de la Silicon Valley, leur influence sur divers aspects de la société, leur relation avec l’État administratif et le contrôle du flux d’information pourraient être considérés comme le prolongement de la tendance identifiée par Burnham. Ainsi, un vaste système bureaucratique, l’État administratif, s’est développé, brouillant les frontières entre le secteur privé et public, touchant tous les aspects de la vie moderne et ouvrant potentiellement la voie vers un nouvel âge totalitaire.
Des événements récents, comme l’arrestation du fondateur et PDG de Telegram, Pavel Durov, peuvent illustrer cette dynamique. D’aucuns affirment que de telles actions coercitives sont motivées politiquement, qu’elles découlent de son refus d’accepter les injonctions gouvernementales qui entrent en conflit avec le principe de liberté d’expression. Quoi qu’il en soit, cette situation illustre comment les entités de la Silicon Valley font face à la pression de l’État administratif. Celui-ci est prêt à employer les mesures punitives habituelles contre ceux qui refusent de se conformer. Il semble que les tentacules de ce Léviathan s’étendent aussi loin que l’hégémonie occidentale le lui permet. Personne sur la planète n’est donc plus en sécurité.
Théorie des élites et politique du pouvoir
Dans « Les Machiavéliens » (1943), Burnham explore l’idée selon laquelle la politique est fondamentalement une lutte pour le pouvoir, plutôt que la mise en œuvre d’idéaux ou d’idéologies. Influencé par les penseurs de l’école élitiste comme Vilfredo Pareto, Gaetano Mosca et Robert Michels, Burnham soutient que toutes les sociétés sont dirigées par une élite minoritaire, quel que soit leur système politique revendiqué. La théorie des élites de Burnham reste pertinente dans l’analyse des structures de pouvoir modernes. Le concept d’une « élite du pouvoir » contrôlant les institutions clés fait écho aux critiques sur l’influence des entreprises en politique et sur celles de la concentration de la propriété des médias.
Pourtant, l’essor des médias sociaux et des mouvements populaires a remis en question les structures de pouvoir traditionnelles dans une certaine mesure, permettant de nouvelles formes d’influence et d’organisation que Burnham n’aurait peut-être pas anticipées. Ce qui n’empêche pas, comme beaucoup le savent, le managérialisme d’accaparer de nombreux sites et médias sociaux pour les intégrer au régime afin de contrôler le type de discours qui s’y expriment.
Ainsi voyons-nous les idées de ces différents penseurs de l’école élitiste prendre vie sous nos yeux. Mosca de son côté, a développé l’idée de la « formule politique », idée selon laquelle les élites fournissent toujours des justifications idéologiques pour légitimer leur pouvoir. Fondamentalement, une formule politique est une croyance qui fait accepter aux gouvernés leurs gouvernants. Toute formule politique ou contre-discours s’opposant à la formule politique des élites doit être étouffée ou censurée pour empêcher sa prolifération. Beaucoup d’entre nous ont été victimes de ce système managérial, il est donc important de comprendre cette bête et son fonctionnement.
Conclusion
La pensée de James Burnham, bien qu’ancrée dans le contexte du milieu du XXe siècle, offre des perspectives d’approche inédites sur le pouvoir, la politique et l’organisation sociétale du XXIe siècle. Cette pensée a d’ailleurs suscité une nouvelle vague de penseurs au XXIe siècle, inspirée par ses idées sur le managérialisme et la realpolitik. Ses concepts de pouvoir managérial et de théorie des élites fournissent un cadre pertinent afin d’analyser des phénomènes modernes tels que les Big Tech, les médias d’entreprise, la censure, l’État managérial et notre nouvelle ère totalitaire. Si nous comprenons le phénomène du managérialisme, peut-être pourrons-nous développer des stratégies afin de former une contre-élite apte à vaincre nos ennemis politiques et à brandir le pouvoir du Léviathan pour défendre notre propre cause ? La majeure partie de l’Europe occidentale a déjà été incorporée au régime globaliste-managérial. Dans ce contexte, il convient de se demander si les méthodes démocratiques traditionnelles sont encore applicables ? L’ont-elles d’ailleurs jamais été ?
SOURCE : Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne.