PARIS : Fondapol – La révision constitutionnelle de 2…
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PARIS : Fondapol – La révision constitutionnelle de 2008, un premier bilan
La Constitution de la Ve République entre dans sa soixantième année.
Elle a traversé de nombreuses épreuves, dont celle, à trois reprises, de la cohabitation. Elle a doté notre pays d’institutions stables et efficaces. Elle a élargi l’assise du régime républicain en démontrant sa capacité à fonctionner au service de tendances politiques différentes qui, toutes, se sont montrées satisfaites des moyens qu’elle a mis à leur disposition.
Inhabituelle dans l’histoire constitutionnelle française, à la notable exception de la IIIe République, pareille longévité tient à l’adaptabilité de la Constitution de 1958, dont le texte a été vingt-trois fois modifié et le sera peut-être une fois encore dans les mois qui viennent. Au cours des soixante ans écoulés, trois étapes principales ont marqué l’évolution institutionnelle de notre pays.
La première étape a été franchie avec la révision constitutionnelle du 6 novembre 1962, en vertu de laquelle le président de la République est élu au suffrage universel direct. Renforcé par l’élection des députés au scrutin majoritaire à deux tours, le changement ainsi apporté à l’équilibre institutionnel mis en place en 1958 a conféré à la Ve République son caractère propre. Le chef de l’État y dispose de prérogatives spécifiques de grande importance, notamment avec le droit de dissolution et celui de recourir au référendum, mais il exerce surtout un rôle politique prépondérant puisque la coutume lui reconnaît le droit, en dehors des périodes de cohabitation, de mettre fin aux fonctions du Premier ministre. En d’autres termes, à l’inverse des régimes parlementaires, dans lesquels le chef du gouvernement détient à lui seul la totalité du pouvoir exécutif, et des régimes présidentiels, dans lesquels il en va de même pour le chef de l’État, le partage des rôles entre le président de la Ve République et le Premier ministre obéit à des règles coutumières, parfois ambiguës mais marquées du sceau d’un présidentialisme théorisé par le général de Gaulle dès 1964. En outre, à l’exception des périodes de cohabitation, la réduction à cinq ans de la durée du mandat présidentiel décidée par la révision constitutionnelle du 2 octobre 2000 et l’inversion du calendrier électoral adoptée en 2002, qui a pour effet de lier étroitement le scrutin présidentiel et les élections législatives, ont accentué le caractère présidentialiste du régime.
Dans le même temps, si les pouvoirs reconnus au président de la République ont une portée réelle bien supérieure aux attributions de ses homologues des IIIe et IVe Républiques, et si cette évolution semble rencontrer l’adhésion de l’opinion publique, l’acception présidentialiste de la Constitution porte la marque d’une certaine fragilité. Si la concordance des scrutins favorise celle des majorités, présidentielle et parlementaire, elle ne la garantit pas. Par ailleurs, elle demeure exposée au décès ou à la démission du président de la République comme à l’exercice de son droit de dissolution de l’Assemblée nationale. Enfin, si le mode de scrutin retenu pour l’élection des députés devait ne plus permettre de dégager des majorités nettes, la prépondérance du rôle du président de la République dans l’exercice du pouvoir exécutif serait menacée.
La deuxième évolution marquante de la Constitution de 1958 est liée aux transferts et aux partages de souveraineté qui, depuis l’adoption de la loi constitutionnelle du 25 juin 1992 portant ratification du traité de Maastricht, ont conduit à des révisions constitutionnelles dont l’objet même concernait, pour reprendre les termes utilisés par le Conseil constitutionnel, les « conditions essentielles d’exercice de la souveraineté nationale ». De ce point de vue, la réduction du champ de la souveraineté nationale a consisté à transférer ou partager des compétences régaliennes mais aussi à priver l’État de certaines de ses prérogatives traditionnelles au profit de l’Union européenne. Surtout, les révisions constitutionnelles adoptées les 25 juin 1992, 25 janvier 1999, 25 mars 2003, 1er mars 2005 et 4 février 2008 ont consacré la primauté du droit européen, y compris dérivé, sur la loi nationale et ont donné un fondement constitutionnel spécifique à la construction européenne. Le Conseil constitutionnel en a tiré les conséquences en reconnaissant l’existence d’un ordre juridique communautaire intégré à l’ordre juridique interne et distinct de l’ordre juridique international.
SOURCE : Fondapol – La Newsletter du 2 octobre 2025.