PARIS : Changements de paradigme
Les crises mettent en lumière des forces qui étaient auparavant considérées comme acquises et des faiblesses longtemps ignorées.
Dans une précédente note pour la Fondation pour l’innovation politique 1, j’avais déjà souligné la dimension urbaine de la pandémie du Covid-19 comme étant l’exemple le plus récent et le plus spectaculaire d’un risque transfrontalier qui tue et évolue rapidement. C’est avec gravité que nous reconnaissons que les choses ne seront plus jamais les mêmes : nous espérons le meilleur, mais craignons le pire. Lorsque de grandes souffrances prennent les pays au dépourvu, les gens sont divisés entre le désir de revenir à la normale et celui de compenser les vies et les richesses perdues en tentant de changer les choses. Le résultat est minutieusement équilibré. Déjà, en 2018, le journaliste économique britannique Martin Wolf avertissait à propos des échecs des politiques après la crise financière de 2008 : « Une meilleure version du monde d’avant 2008 ne fera tout simplement pas l’affaire. Les gens ne veulent pas d’un meilleur passé, ils veulent un meilleur avenir 2. » Mais, après 2008, la complaisance, le poids des idées reçues, la réticence à faire confiance aux nouvelles idées et le pouvoir des intérêts particuliers ont empêché le changement de politiques publiques. La même dynamique pourrait bien être à l’œuvre dans les années 2020. Y aura-t-il un élan plus profond vers un changement de paradigme maintenant que nous comptons des morts en plus de la dette ?
Avec cette crise du Covid-19, nous sommes confrontés à un moment unique, à une rupture historique entre une période et une autre. Lors d’une telle crise, nous réalisons à quel point les infrastructures sont précieuses et quels sont les risques d’un sous-approvisionnement. Cela va bien au-delà de la production de masques, de ventilateurs et de produits pharmaceutiques, ou du nombre de lits dans les unités de soins intensifs. De nombreux systèmes de télécommunication, de transport, d’approvisionnement en eau, de production et de transmission d’énergie, ainsi que des hôpitaux – certains construits pour durer cent ou cent cinquante ans, d’autres pour vingt-cinq ou cinquante ans – arrivent à la fin de leur cycle de vie utile. En 2006, le coût estimé du renouvellement et de la modernisation sur vingt-cinq ans était de 70.000 milliards de dollars, soit 3,5% du PIB mondial 3. Rien de ce montant n’a été investi avant 2020. Il s’agit d’un exemple classique de conjoncture, où une crise survient au croisement de tendances à court et à long terme et d’innovations technologiques majeures.
SOURCE : Fondation pour l’innovation politique – La Newsletter du 18 décembre 2024.