PARIS : Asterès analyse la flambée du cours du bitcoin
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PARIS : Asterès analyse la flambée du cours du bitcoin
Dans la présente note, Asterès analyse la flambée du cours du bitcoin et pointe le risque économique et financier que cette tendance pourrait poser si elle se poursuivait.
L’élection de Donald Trump a poussé le bitcoin à la hausse, un engouement qui pourrait commencer à faire peser des risques sur la stabilité économique et financière. La spéculation sur le bitcoin a longtemps été réservée à un public limité, les fluctuations de son cours ne concernaient donc que les personnes qui en avaient acheté. Avec l’élection de Donald Trump, le cours du bitcoin a flambé, ce qui attire de nouveaux investisseurs comme des fonds de pension par exemple. Cet engouement d’investisseurs supposés gérer prudemment l’épargne qui leur est confiée, couplée à un probable allègement de la règlementation par Donald Trump, fait peser un risque nouveau en cas de retournement du cours, un scénario probable pour un actif n’ayant aucune valeur intrinsèque.
Cours du bitcoin : Dopé par l’élection de Donald Trump
L’élection de Donald Trump a entraîné un bond du bitcoin. Le bitcoin, déjà orienté à la hausse depuis plus d’un an, s’est envolé suite à l’élection de Donald Trump (la hausse du cours en 2024 étant en partie portée par la possibilité d’une victoire de Trump1). Ce dernier s’est en effet montré favorable au secteur des cryptos (un revirement radical par rapport à ses critiques virulentes du bitcoin par le passé2), il a promis d’alléger la régulation, et a même émis l’idée de créer un stock national de bitcoins.
– Un allègement probable de la régulation sur les cryptos. Donald Trump a déclaré vouloir faire des Etats-Unis la capitale des cryptos de la planète, ce qui passerait par un allègement de la règlementation et notamment le renvoi de Gary Gensler, le président de la SEC (le « gendarme » des marchés financiers américains, similaire à l’AMF en France), considéré comme hostile au secteur.
– La constitution d’un « stock national stratégique » de bitcoins. Au cours de sa campagne, Donald Trump a annoncé la création d’un « stock national stratégique » de bitcoins dont les contours sont encore flous : il pourrait s’agir de conserver les bitcoins saisis par la police plutôt que de les revendre ou de faire acheter des bitcoins par le Trésor ou la Réserve Fédérale3. Si l’utilité d’un tel stock est difficile à comprendre à ce stade (Donald Trump cherche peut-être tout simplement à récompenser les acteurs des cryptos qui ont financé sa campagne4), il s’agit d’un soutien évident au cours du bitcoin puisque cela reviendrait à limiter l’offre de bitcoins (si le gouvernement ne revend pas ceux qu’il a saisis) ou à accroître la demande (si le gouvernement achète des bitcoins).
Flambée du Bitcoin : Un risque économique potentiel
Hausse du bitcoin : un risque économique et financier croissant
Le bitcoin est de plus en plus intégré dans le portefeuille de fonds d’investissement considérés comme peu risqués. À ses débuts, les spéculateurs sur le bitcoin étaient principalement des particuliers adeptes de ce nouvel actif et attirés par des plus-values potentiellement élevées. Dans ce cas, un effondrement du cours n’aurait eu d’impact que pour les quelques spéculateurs concernés. Cependant, avec la hausse du cours en 2024, de plus en plus de fonds traditionnels comme des fonds de pension qui gèrent la retraite des Américains intègrent du bitcoin (ou des ETF basés sur le bitcoin) dans leur portefeuille, certes pour des montants encore limités5. Il est paradoxal de voir le bitcoin, pensé par ses partisans comme un moyen de contourner les acteurs financiers traditionnels, être adopté par ces mêmes intermédiaires qu’il était supposé court-circuiter6. Plus fondamentalement, si le cours du bitcoin s’effondre, il en résulterait une chute de la valeur des fonds ayant misé sur cet actif, ce qui pourrait se répercuter par exemple sur la valeur des retraites perçues (dans le cas de fonds de pension) et donc sur le niveau total de consommation. Des mouvements de panique, pouvant déstabiliser des banques ou des fonds d’investissement, pourraient également résulter d’une chute du cours du bitcoin, à plus forte raison si les spéculateurs se sont endettés pour acheter des bitcoins, ce qui semble être le cas d’un certain nombre d’acteurs 7.
Le risque de crise financière, très difficile à prévoir avec certitude, semble peu élevé à ce stade mais pourrait augmenter. Le bitcoin (ou les cryptos en général) ne représente qu’une très faible des actifs détenus par les fonds les moins risqués, vraisemblablement pas plus de 3 % du total des actifs dans la plupart des cas8. Cependant, la hausse des cours pourrait attirer de nouveaux investisseurs alléchés par les plus-values élevées, entraînant ainsi la hausse des cours dans un mouvement auto-entretenu typique des bulles spéculatives. Ce phénomène, couplé à une dérégulation qui verrait l’apparition de produits financiers de plus en plus complexes adossés au bitcoin, pourrait faire augmenter les risques de crise financière dans les années à venir. Les deux dernières crises bancaires, en 2023 et en 2008, devraient inciter à la prudence.
– La dérégulation bancaire a été une des causes de la faillite de Silicon Valley Bank. Le printemps 2023 a été marqué par une crise bancaire, caractérisée notamment par la faillite de Silicon Valley Bank. Si cette crise a des causes multiples (la hausse des taux notamment), il est intéressant de noter que Donald Trump avait allégé la règlementation bancaire lors de son premier mandat, ce qui a accru la possibilité de prendre des risques pour des institutions de la taille de Silicon Valley Bank9.
– La crise de 2008 nous rappelle les dangers des bulles spéculatives. Si la grande crise bancaire et économique de 2008 a des causes multiples, sa source se trouve dans une vaste bulle immobilière aux Etats-Unis et dans certains pays européens (Irlande et Espagne notamment). Les actifs concernés à l’époque, l’immobilier, avaient pourtant une réalité tangible, donc un prix plancher. Dans le cas du bitcoin, le prix plancher est probablement de 0, puisque cet actif ne repose sur aucune valeur économique concrète. L’ampleur de l’effondrement du cours, donc la répercussion sur les acteurs détenant l’actif (ou des titres adossés à sa valeur) est potentiellement bien plus importante dans le cas du bitcoin que dans l’immobilier, d’où un risque de crise accru.
Prix du bitcoin : sa valeur fondamentale ne repose sur rien
La valorisation du bitcoin pose question. Le prix d’un bitcoin s’approche des 100 000 dollars, alors qu’il ne représente rien de concret. L’engouement autour de cet actif, renouvelé depuis l’élection de Donald Trump, est d’autant plus risqué que sa valeur fondamentale est nulle. Il est impossible de prédire le cours futur du bitcoin, qui peut continuer de flamber ou chuter prochainement. Au vu des caractéristiques de cet actif, un effondrement du prix semble cependant probable à long terme.
– La valeur du bitcoin ne repose sur aucun sous-jacent tangible. La valeur d’une maison vaut par le service de logement qu’elle rend. La valeur d’une action est basée sur la capacité de l’entreprise qui l’émet à produire des biens et des services. La valeur d’une obligation est fondée sur la capacité de son émetteur (Etat, entreprise) à rembourser les sommes empruntées grâce à ses recettes. Mais la valeur d’un bitcoin ne repose sur rien d’autre que l’espérance que l’on a qu’il vaudra plus cher plus tard. Il s’agit d’un exemple typique de bulle spéculative, une situation qui devrait inciter les régulateurs et les épargnants à la prudence.
– L’utilité du bitcoin reste à démontrer. Si le bitcoin a séduit de nombreux spéculateurs, son utilité concrète, en dehors de la plus-value qu’il permet d’espérer, demeure incertaine. La carte
bancaire a représenté une innovation utile par rapport au chèque, d’où son utilisation par la population. Mais le bitcoin n’a pas été utilisé par les ménages ou les entreprises dans leur activité quotidienne (transactions, financement de projets) car il ne présente pas d’avantage flagrant par rapport aux outils financiers existants. Le bitcoin, dans le fond, est une solution qui n’a toujours pas trouvé le problème qu’il se propose de résoudre. La valeur d’une innovation inutile est donc probablement proche de zéro.
Sylvain BERSINGER, chef économiste chez Asterès.
1 https://www.lesechos.fr/elections/presidentielle-americaine/porte-par-leffet-trump-le-bitcoin-frole-les-70000-dollars-2126694
2 https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/presidentielle-americaine-reconverti-en-apotredes-cryptos-trump-promet-de-limoger-le-patron-de-la-sec-2110810
3 https://edition.cnn.com/2024/08/01/politics/video/trump-crypto-national-bitcoin-stockpile-digvid
4 https://edition.cnn.com/2024/11/17/politics/crypto-industry-donald-trump-reelection/index.html
5 https://www.reuters.com/technology/michigan-state-pension-fund-makes-66-million-bitcoin-etf-investment-2024-07-26/
6 https://www.ft.com/content/8ab293b4-ee98-4d2a-8aa9-140a6a597f42
7 https://www.lesechos.fr/finance-marches/marches-financiers/microstrategy-lentreprise-qui-reve-dun-bitcoina-plus-de-100000-dollars-2132615
8 https://www.ft.com/content/0233a9c6-1de1-4080-9598-055253717c8b
9 https://www.reuters.com/business/finance/us-fed-points-finger-trump-era-rollback-svb-demise-2023-04-29/