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PARIS : À propos de la cérémonie d’ouverture des Jeux Oly…

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PARIS : À propos de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques

La controverse s’est focalisée sur ce qui semblait être une représentation « queer » de la Cène de Léonard de Vinci. Les organisateurs se sont empressés de parler d’un malentendu.

Un malentendu particulièrement pénétrant, cependant.

La cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques de Paris 2024 a donné lieu à une véritable profanation de l’horizon esthétique des Européens, dans toutes ses manifestations, païennes et chrétiennes.

Dans un premier temps, la controverse s’est focalisée sur ce qui semblait être une représentation “queer” de la Cène de Léonard de Vinci. Les organisateurs se sont empressés de parler d’un malentendu. Un malentendu particulièrement pénétrant, cependant, s’il est vrai que cette allusion a également été évoquée par le compte X de France Télévisions (“Cène LÉ-GEN-DAIRE”) et par Barbara Butch elle-même, “l’artiste” en surpoids qui a occupé le devant de la scène et parlé d’un “Nouveau Testament gay !” sur Instagram. Dans une interview accordée au journal italien Repubblica, l’historien Patrick Boucheron, professeur au Collège de France et l’un des auteurs ayant travaillé à la conception de la cérémonie d’ouverture des Jeux Olympiques, a déclaré que la référence à la Cène était “subliminale” et que le scénario de la cérémonie ne mentionnait pas l’épisode des Évangiles. Il voulait sans doute dire que la déformation d’un des plus grands chefs-d’œuvre de l’art figuratif européen s’est faite, pour ainsi dire, spontanément, comme une vocation innée.

Pour échapper à l’accusation d’avoir réalisé un spectacle anti-chrétien, qui suscite d’ailleurs encore quelques protestations dans nos sociétés, le directeur artistique de la cérémonie a expliqué qu’il s’agissait en fait d’une référence païenne à Dionysos, un personnage apparemment sans avocat et donc attaquable en toute impunité. Mais est-il vraiment légitime de faire remonter le freak show qui a ouvert les Jeux olympiques de Paris à la dimension dionysiaque ?

Un premier aspect qui s’oppose à cette reconstruction est le fait que le culte de Dionysos était avant tout (mais pas exclusivement) populaire, paysan. Tout aussi populaire est la tradition viticole française à laquelle, selon les justifications données par les organisateurs, le spectacle parisien devait rendre hommage. Au contraire, les artistes, drag-queens et performeurs immortalisés dans cette image grotesque sont métropolitains, élitistes, l’expression fière de minorités qui méprisent le peuple et ses traditions. Au contraire, toute la mise en scène était probablement destinée à désacraliser le sens commun, à faire violence aux croyances profondément enracinées de la majorité de la population.

Un deuxième aspect à noter est le fait que Dionysos est le dieu de la contradiction et de la tragédie qui repose sur cette contradiction : il est le dieu du bonheur et du terrible, de la communauté et de la solitude, un dieu lié aux autres divinités de l’Olympe et pourtant chassé par elles, le contraire d’Apollon et son complice secret. Le monde qui s’est joué vendredi dernier à Paris, en revanche, ne connaît ni contradiction, ni tragédie. Il ne se pose pas aucun problème, il a toutes les solutions en poche. Non binaire d’un point de vue sexuel, il l’est au plus haut niveau d’un point de vue logique et moral : pour eux, il y a le bien et le mal, le progrès et la barbarie. La raison est d’un seul côté, le leur. L’opinion contraire doit être dégradée en affaire criminelle, elle n’a pas droit de cité. Il n’y a pas de complexité, pas de nuance, pas d’ambivalence, tout est déjà établi une fois pour toutes.

Une troisième caractéristique non dionysiaque de la cérémonie réside dans le fait que la dimension dionysiaque coïncide avec la dimension de la force. La force au sens ontologique, comme quelque chose qui traverse toutes les entités et les définit, comme cela apparaît clairement chez Homère. Lorsque Nietzsche parle du dionysiaque, il entend la même chose que ce qu’il appellera plus tard la “volonté de puissance” : une domination continue, un dépassement, un surpassement, un devenir inépuisable. Mais dans la performance de Barbara Butch et compagnie, il n’y a pas de force, il y a la négation de la force, la force est considérée avec suspicion pour tout ce qu’elle a de “naturel”. La force est considérée comme “toxique”, enfant du patriarcat, intrinsèquement “fasciste”.

Une quatrième différence tient au fait que le dionysiaque remet en cause la norme pour la rendre plus forte, plus dynamique, plus “aérienne”, alors que le spectacle du vendredi part de l’exception et entend la blinder par tout un appareil de lois, de chantages, d’interdits. Dionysos est lié à Zeus (déjà dans le nom : Dios + nysos, ” le jeune fils de Zeus “), à Apollon, à tous les dieux célestes, fondateurs, garants des institutions, de la loi, dont il constitue le côté sauvage secret. La présence de ce côté obscur, périodiquement célébré dans des formes contrôlées et rituelles de déchaînement, n’affaiblit pas la norme, mais la renforce. Au contraire, la cérémonie olympique a célébré “l’étrange” qui s’offusque d’être qualifié d’étrange, la transgression qui prétend abolir la norme, la bizarrerie qui aspire à devenir bureaucratie, la provocation qui veut être protégée et sanctionnée par la loi. Mais aucun mythe grec ne rapporte que Dionysos avait l’intention de réclamer une loi contre la dionysophobie.

SOURCE : Institut ILIADE pour la longue mémoire européenne.