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LE THOLONET : La place de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) dans la gestion de l’eau et l’aménagement du territoire

Dans le contexte de la planification de la transition écologique en France, l’AFEID, la SCP, la Chaire ELSAPACT et l’INRAE ont organisé le mardi 3 octobre au Tholonet (au siège de la SCP) près d’Aix-en-Provence, le premier colloque en France consacré à « la place de l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) dans la gestion de l’eau et l’aménagement du territoire ».

Ce colloque a réuni les acteurs clés des domaines scientifiques, techniques, institutionnels et politiques pour échanger sur ce sujet crucial de transition.

L’ACV, conforme à la norme ISO 14040, est une méthode d’évaluation globale, multicritère et fonctionnelle des impacts environnementaux. Bien qu’elle soit déjà utilisée dans les politiques environnementales européennes et françaises, l’ACV reste encore peu utilisée dans la décision publique en matière d’aménagement du territoire, malgré sa pertinence incontestable pour guider la transition écologique. Christian Hubaud, vice-président de la SCP, a souligné en ouverture du colloque : «L’ACV doit être intégrée dans le processus de décision publique, car cette méthode propose des indicateurs d’impacts environnementaux globaux et peut nous permettre de prendre des décisions durables pour notre avenir. » Bruno Grawitz, président de l’AFEID et directeur Ingénierie et Services de la SCP, ajoute « L’ACV est un outil pour comparer des solutions en fonction de leur impact environnemental respectif et se révèle essentielle dans nos métiers d’aménageurs et/ ou de définition des politiques publiques d’aménagement. Je crois donc profondément que l’ACV peut nous permettre de prendre des décisions intelligentes et nous aider à préserver l’environnement. » puis conclut « « Il est important que les mondes de la recherche, de l’aménagement et des décideurs publics se parlent, coopèrent afin de trouver des solutions qui marchent et de les mettre en application. C’est exactement l’objet de ce colloque. »

La croissance exponentielle des activités humaines qui altèrent l’environnement, accompagnée de ses conséquences, met en évidence la nécessité de préserver les valeurs intrinsèques liées à l’environnement, à la santé humaine et à un usage responsable des ressources. Dans cette perspective, il devient crucial de quantifier et d’évaluer les impacts environnementaux, soulignant ainsi l’importance de l’ACV. L’ACV évalue les impacts selon différentes catégories d’impact (ex. émissions de gaz à effet de serre, consommation d’eau, ou ressources …) pour un même service rendu : dans le cas des aménagements d’infrastructures d’eau par exemple, 1m3 d’eau délivré à la sortie du réseau. Toutes les étapes sont inventoriées, de l’amont à l’aval, jusqu’à la fin de vie.

Nicolas Géhéniau, chef de projet infrastructure hydraulique chez BRL Ingénierie apporte un éclairage : « L’ACV apporte une approche complémentaire à l’étude d’impact environnemental. Elle peut intervenir à différents stades d’un projet, tant sur le choix du tracé que dans l’identification des étapes les plus nocives pour l’environnement ». Décider par exemple du diamètre de la canalisation : faut-il un ouvrage de 800 mm avec un surpresseur , de 700 mm avec deux surpresseurs ou alors un tube de 900 mm gravitaire ? « Cela permet de comparer des scénarios pour étudier, en amont, la meilleure solution pour apporter de l’eau à un endroit donné, complète Agata Sferratore, experte environnement et ACV à la SCP. Nous réalisons systématiquement une ACV pour chaque grand projet comportant des variantes : c’est un véritable élément d’aide à la décision et d’écoconception ! » De plus, l’ACV s’étend désormais à l’échelle territoriale, évaluant la pertinence des aménagements à l’échelle du territoire.

Éléonore Loiseau, chercheuse INRAE, responsable de l’équipe ELSA dédiée à l’ACV au sein de l’UMR Itap explique : « L’ACV territoriale permet d’identifier les scénarios qui maximisent les services rendus et minimisent les pressions sur l’environnement. » L’ACV territoriale permet, par exemple, de se poser la question de l’intérêt d’irriguer 700 hectares agricoles dans le Sud de la France, en comparant plusieurs scénarios d’aménagement : sans irrigation, ou avec une eau importée avec 100 km de réseau principal ou par une ressource locale avec une retenue collinaire. Dans cet exemple, les services rendus comparés dans les différents scénarios sont la sécurité alimentaire, via la biomasse produite, la gestion de l’espace, représentée par la surface occupée, et la production économique, renseignée par le chiffre d’affaires. Les dommages considérés concernent la santé humaine, la qualité des écosystèmes et la consommation de ressources minérales et fossiles.

Yohann Pamelle, directeur de projets Plan Climat au Conseil régional de la Région Sud ajoute : « L’ACV territoriale présente un intérêt très fort au moment de la définition du projet d’aménagement du territoire, car cette méthode permet de se poser la question des services rendus le plus tôt possible. » L’ACV territoriale pourrait donc s’intégrer dans des procédures réglementaires comme le schéma de cohérence territoriale (Scot). Il est important de noter que l’ACV irrigue déjà les politiques publiques, notamment en ce qui concerne l’évaluation environnementale des projets et la taxation (basée sur les phases du cycle de vie). Philippe Osset, fondateur du cabinet d’expertise Solinnen, déclare : « Elle irrigue l’incitation, la taxation, la réglementation et l’information. » L’ACV est présente dans de nombreux dispositifs ; elle est utilisée par exemple dans la taxonomie verte, les Achats Verts et la RE2020 (réglementation applicable depuis début 2022 qui conditionne les permis de construire des bâtiments neufs à la réalisation d’une ACV du bâtiment projeté). La prise en compte de la question environnementale s’accélère dans les affaires réglementaires et l’ACV permet de réaliser des choix entre différents usages concurrents.

Laëtitia El Beze du Commissariat Général au Développement Durable (CGDD), rattaché au ministère de la Transition écologique, remarque : « L’ACV possède de nombreux points communs avec les études d’impacts menées pour rendre nos avis sur la prise en compte de l’environnement dans les projets et pourrait apporter des éléments complémentaires d’aide à la décision. » Philippe Osset ajoute « L’ACV aide à la planification écologique, pour éviter de dépasser les limites planétaires*. »

Étant donné que l’Analyse du Cycle de Vie (ACV) englobe une gamme plus vaste de critères d’impact, tels que les gaz à effet de serre, la consommation d’eau, l’utilisation de matières premières, elle présente un avantage comparatif par rapport au bilan carbone. Ce dernier demeure une méthode d’évaluation mono-critère, bien qu’il se concentre sur une limite planétaire cruciale, à savoir les émissions de gaz à effet de serre. Cependant, malgré son potentiel, l’ACV fait face à certains défis pour son intégration généralisée.

Malika Kessous, cheffe du bureau achats responsables de la direction Achats de l’État du ministère de l’Économie et des Finances met l’accent sur : « La méconnaissance de la méthode, le niveau de technicité des acteurs et le besoin de vulgarisation. Il existe un vrai travail à faire au niveau des entreprises pour monter en compétences sur ces exigences environnementales, qui sont déjà là. » Néanmoins, « Le code de la commande publique est très encourageant sur l’intégration de critères environnementaux- car il y a un enjeu fort de décarbonation de l’Etat – mais il existe des règles à respecter: ne pas être discriminatoire et ne pas faire de greenwashing. » rappelle Malika Kessous. Dans le cadre de l’article 35 de la loi Climat et résilience, l’ACV s’avère très intéressante pour identifier les impacts les plus pertinents et donner des preuves pour les critères d’attribution.» Saisir l’intérêt, comprendre la méthode et, surtout, être en capacité de disposer de données fiables pour toutes les étapes.

Arnaud Helias, titulaire de la chaire ELSA-PACT, directeur de recherche INRAE et directeur de l’UMR avertit « Il faut posséder des données de référence, récentes, adaptées et partagées ». Une fois ces données collectées, des hypothèses et des choix jalonnent l’analyse de cycle de vie : Quel est le système étudié ? Pour quel service fourni ? Exprimé en quelle unité ? « La transparence est essentielle, car les hypothèses de départ conditionnent les résultats » termine-t-il. Les résultats sont quant à eux très souvent agrégés au sein d’un indicateur unique, par souci de simplification et de communication. La pondération des résultats en score unique découle d’un choix de valeur qui doit être explicité, comme l’explique Vincent Colomb, coordinateur Affichage environnemental à l’ADEME : « La question du poids accordé à chaque dimension environnementale est importante : les limites planétaires donnent des lignes directrices, mais il faut faire des choix entre la biodiversité, le climat, l’eau, etc. »

En résumé, l’ACV se révèle être un instrument incontournable pour diriger la transition écologique. Elle peut servir à : – l’évaluation environnementale des projets (en complément des études d’impact) ; – l’écoconception des aménagements et le choix des variantes ; – la planification territoriale par la mise en évidence des services rendus de chaque projet. L’intégration de l’ACV dans les décisions publiques est donc une étape cruciale pour orienter notre société vers un avenir plus durable et respectueux de l’environnement.